La justice dans la seigneurie

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  • Created on: 18-04-17 10:19

Justice et Pouvoir

Entre le 10ème et le 12ème siècle, les droits de justice publique passent petit à petit entre les mains de l’aristocratie foncière. Ce mouvement est lié à la vacance du pouvoir souverain, ce qui permet aux grands quel que soit leur niveau d’étendre leurs prérogatives (le plus souvent par usurpation). Ce mouvement correspond aussi aux transformations de l’organisation domaniale, en effet la réduction de la taille des grands domaines, leur morcellement en fiefs vont être compensés par le développement de divers droits et notamment des droits de justice sur les vassaux et sur les roturiers. 

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De la justice publique carolingienne aux justices

L’organisation judiciaire féodo seigneuriale s’est établie à partir des ruines du système carolingien. Au 10ème siècle, l’appareil judiciaire carolingien se dégrade, les formes et les termes traditionnels subsistent mais les principes qui les inspiraient vont être progressivement perdus de vue 

Les assemblées judiciaires, ne jouent plus désormais qu’un rôle d’arbitrage, lorsqu’un plaideur s’adresse à des juges, le recours n’est plus très efficace. Les comtes, les ducs paraissent avoir perdu de vue l’idée d’une justice qui ordonne et qui condamne. Désormais, ils se comportent plutôt comme des médiateurs, offrant leurs offices aux individus en conflit. Les actes écrits passé devant ces assemblées sont essentiellement des accords entre les parties, ou des abandons. L’un des caractères essentiels de la justice féodale rendue par le seigneur à ses vassaux c’est un service du seigneur à ses vassaux, une garantie que ces vassaux souhaitent plutôt que la manifestation qu’une quelconque souveraineté.

Résultat : au début du 11ème siècle, à quelques rares exceptions (Normandie, Catalogne, Flandres) l’impuissance de la justice est arrivée à son comble. Ensuite, les institutions judiciaires vont reprendre peu à peu plus de netteté, plus d’efficacité à mesure que les hiérarchies féodales vont se préciser. Les seigneurs les plus puissants seront en mesure de faire respecter plus habituellement leurs décisions 

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La haute justice

Cette haute justice est compétente en matière de crimes capitaux punis comme à l’époque franque de mort ou de mutilation. En matière civile, la cour du haut justicier connait des litiges pouvant donner lieu à la preuve par duel judiciaire (affaires relatives au statut des personnes et des biens) Les emblèmes de la haute justice sont le gibet, les fourches patibulaires, conception très contestée

Cette haute justice dérive de la justice du comte carolingien auquel était réservé les maiores avec une évolution au 10ème et 11ème siècle, cette haute justice n’appartient en général qu’aux successeurs des comtes francs mais le démembrement de la puissance publique s’étant poursuivi, beaucoup de seigneurs de moyenne importance vont se comporter comme de hauts justiciers, soit par concession soit par usurpation. Les hauts justiciers finissent par devenir infiniment nombreux. Sont en réalité hauts justiciers les ducs et les comtes, les vicomtes, la plupart des châtelains, tous les seigneurs suffisamment puissants pour être désignés sous le terme de baron.

La qualité de haut justicier sera beaucoup plus répandue dans les régions où la désagrégation de la puissance publique a été la plus complète. 

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La basse justice

Elle découle de la juridiction du vicaire de l’époque carolingienne (minores)

Juge les affaires les moins importantes, en matière pénale elle est limitée aux délits punis d’amende inférieure à 60 sous : délits ruraux, coups, injures.

En matière civile, toutes les affaires qui ne peuvent pas entrainer la preuve par duel judiciaire.

La basse justice est moins élevée en dignité que la haute et elle est donc moins profitable, mais celui qui l’exerce est souverain dans les limites de sa compétence, il (le bas justicier) n’est en matière judiciaire le subordonné du haut justicier. L’attrait pour les droits de justice est si grand que même les plus petits seigneurs se sont efforcés d’acquérir la justice sur leurs terres.

Cette justice devient un élément du patrimoine, va se transmettre de génération en génération, va pouvoir être divisée en parts nombreuses, à des partages de donation par ex. 

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Le jugement des vassaux et le jugement des roturie

Dans chaque seigneurie, l’autorité judiciaire du seigneur s’exerce d’abord sur ses vassaux qui relèvent de lui parce qu’ils lui ont prêté l’hommage, cette autorité judiciaire du seigneur s’exerce aussi sur tous les hommes libres roturiers qui sont dans le district de la seigneurie.

1) Le jugement des vassaux

Le vassal a le droit d’être jugé par ses égaux, par ses pairs, c’est-à-dire les autres vassaux, sous la présidence du seigneur. Système qui prolonge l’ancien principe franc. Ce système résulte également d’une considération de dignité (sociale). En effet, le vassal, qui est un guerrier ne peut être jugé que par les hommes du même rang social que lui, cad des chevaliers comme lui (un militaire ne peut être jugé que par des juges ayant au moins le même grade que lui). En principe, tous les vassaux du seigneur doivent être convoqués, mais il suffira que les vassaux en question siègent au nombre de 4 au moins pour que le procès puisse avoir lieu. En pratique, devant les cours de justice féodales, l’autorité de la sentence dépendra de la dignité et du nombre de ceux qui l’ont rendu. Ce sont les vassaux qui sont les juges, résultat : ils engagent leur responsabilité personnelle.Le seigneur convoque donc les juges (les vassaux), les parties, il préside les débats, ensuite il recueille les avis, ensuite il prononce la sentence et la fait exécuter, donc il perçoit les amendes, il reçoit également en matière criminelle les biens confisqués. 

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Le jugement des vassaux et le jugement des roturie

2. Le jugement des roturiers libres

Le système franc du jugement par l’assemblée des hommes libre recule progressivement

Au 10ème et 11ème siècle les roturiers libres bénéficient encore du droit d’être jugés par leurs pairs

Au 13ème siècle, ce système existe encore dans certaines régions (nord et nord-est), en dehors de ces régions, le système franc a disparu et c’est désormais le seigneur lui-même qui juge ou qui délègue cette fonction à l’un de ses agents (le prévôt, qui est toujours un roturier) ; malgré tout, il est fréquent que le seigneur ou le prévôt s’entoure d’assesseur, donc il prendra l’avis avant de prononcer la sentence.

Roturiers - Commoners 

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Le déroulement du procès

1.La procédure est accusatoire

C’est à celui qui se plaint d’avoir subi un tort d’engager la procédure (à ses risques et périls), sauf exception, le tribunal ne se saisit pas d’office.

Les procédures civiles et criminelles comprennent les mêmes étapes, elles procèdent du même esprit. En matière criminelle, si la victime d’une agression est morte, seuls ses parents peuvent et doivent porter la plainte devant le juge (solidarité familiale), il s’agit en fait de l’exercice de la vengeance par le biais d’une instance judiciaire.

Les coutumes vont venir protéger le droit des mineurs à engager la procédure contre le meurtrier de leurs parents, quand ils seront en âge de se porter eux même accusateurs, âge auquel ils pourront soutenir un duel judiciaire la dormition des actions

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Le déroulement du procès

2. Les étapes de la procédure sont orales et formalistes

Le plaignant exprime en personne sa plainte devant le seigneur justicier. Le seigneur qui est « requis de dire le droit » doit faire porter la semonce à l’adversaire (= l’ordre de comparaître) tel jour à tel endroit devant la cour du seigneur pour y répondre de telle accusation. Au jour fixé, les parties doivent se présenter en personne sous peine d’amende. C’est seulement après 3 convocations infructueuses du défendeur que le procès peut continuer contre le défendeur qui « fait défaut ».

En matière criminelle, l’accusé qui est 3x défaillant encourt le bannissement et il s’expose à la mise à mort.

Une fois les 2 parties en présence, l’affaire va être liée par les paroles qu’elles prononcent, elles doivent les prononcer elles même. Malgré tout, elles peuvent se faire assister de praticiens qui vont indiquer les formules à prononcer

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Les modes de preuve

1. Les témoins

Le témoignage est le mode habituel de preuve, il est préféré à l’acte écrit. 2 témoignages concordants entrainent la preuve des faits et donc la condamnation du défendeur. Les témoins les déposent en public et donc engagent leur responsabilité car l’adversaire peut déclarer chacun des témoins « faux et menteur » et donc le provoquer en duel judiciaire pour le prouver.

Nul ne peut être contraint de témoigner ce qui fait que les témoins sont habituellement des parents ou des vassaux. De même, ne peuvent être témoins tous ceux qui ne peuvent se tenir en duel judiciaire (les mineurs, les femmes, les personnes indignes, ex : indiv qui aurait été dans le passé vaincu en duel judiciaire)

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Les modes de preuve

2. Le serment

Le serment est personnel, le système des cojureurs a progressivement disparu. En raison de l’intensité de la foi chrétienne, le serment est considéré comme une preuve de grand poids mais il faut que les juges et que l’adversaire fassent très attention à la formule du serment pour éviter les supercheries ou les restrictions mentales

3. La preuve par écrit

Un écrit validé par le sceau du roi, du pape, du évêque, du seigneur, possède pleine force probante, à moins que le défendeur n’offre de fausser le sceau par duel judiciaire.

Pour ce qui est des écrits privés, validés uniquement par la mention des témoins présents à la rédaction de l’acte.

Malgré tout, aux 12ème– 13ème siècles, dans le midi réapparaissent les actes authentiques grâce au développement des notaires publics. Dans la France du nord on prend l’habitude de faire authentifier les actes privés par décision de la justice seigneuriale ; l’acte privé prend une force publique

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Les modes de preuve

4. Le jugement de dieu

Les ordalies de l’époque franque disparaissent progressivement entre le 11ème et le 13ème siècle en raison de mentalités plus éclairées, de l’opposition de l’église…Mais le duel judiciaire, reste couramment employé comme ultime mode de preuve, dans les affaires relevant de la haute justice. Le duel judiciaire peut intervenir en tant qu’incident de procédure (faux et menteur, faussement de sceau ou faussement de juge). La procédure du duel judiciaire est très méticuleusement réglementée ; par ordonnance de la cour de justice les parties sont ajournées à comparaitre et doivent remettre des « gages de bataille » (gage qui garantit la venue), il est d’usage de remettre un gant du guerrier professionnel. Chaque adversaire doit fournir une caution cautionnement, cad des hommes de bonne réputation qui garantiront la comparution. Les parties doivent « tenir prison » ; les parties en conflit doivent combattre en personne (exception femme, vieillard, établissement ecclésiastique)

Le duel judiciaire est à l’origine ouvert à tous les hommes.  Evolution à la fin du moyen âge, il n’était utilisé que par les nobles. Le vainqueur ayant fait preuve de son bon droit gagne le procès. En matière criminelle, le vaincu va être puni ensuite selon la gravité de son crime par la mort ou la mutilation. Les armes et le cheval du vaincu sont confisqués au profit du seigneur. 

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Les procédés de contestation des décisions de just

Rappel : en principe, chaque cour seigneuriale est souveraine et la procédure féodale connait uniquement des procédés permettant de mettre en cause le seigneur qui manque à ses obligations de justicier.

1)  La « défaute de droit »

Elle est ouverte au vassal quand son seigneur refuse de lui rendre justice. Il peut alors le faire de différentes manières : La plainte, ou en n’organisant pas l’instance, ou en refusant de prononcer la sentence.

-    La procédure est très particulière, le vassal va alors s’adresser au seigneur supérieur de son seigneur, le suzerain pour se plaindre du déni de justice. 2 hypothèses :

   si la plainte est fondée : le seigneur fautif perd son vassal qui devient vassal immédiat du suzerain qui a constaté la défaute de droit. Le vassal en question conserve le fief que lui avait concédé le seigneur fautif.

   Si la plainte n’est pas fondée : le vassal perd le fief concédé par son seigneur car il a manqué gravement à son devoir de fidélité, de loyauté.

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Les procédés de contestation des décisions de just

2. Le « faussement de juge »

Se produit lorsqu’un des 2 plaideurs prétend qu’on lui a fait volontairement perdre le procès. Celui qui accuse offre de prouver ce qu’il affirme par duel judiciaire « de son corps contre le sien ».                                                                              Si le plaideur triomphe, désormais le seigneur fautif ne peut plus juger, il doit payer une amende et réparer les dommages causés (dommages et intérêts).                                                                                                                                         S’il perd, en général il paie une amende ; s’il est noble il perd son fief et s’il est roturier il est pendu.

A partir du milieu du 13ème siècle, se développe une véritable procédure d’appel, qui est encouragée par le roi de France. C’est une manifestation de la souveraineté, le roi étant « justicier par-dessus tout ». De plus, le roi encourage à l’appel d’un point de vue politique. Se développe la procédure d’enquête (inquisitio = inquisition)

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