Les tenures roturières

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  • Created on: 24-04-17 12:59

Définition de la censive

La censive est un bien immobilier concédé aux tenanciers pour en jouir et l’exploiter à perpétuité à charge d’assurer différentes prestations à caractère économique. Quel que soit le statut juridique du concédant (noble ou roturier)il devient « seigneur censier » du tenancier. La situation diffère d’une simple location perpétuelle parce que le seigneur censier bénéficie d’un certain droit de justice pour assurer l’exécution des prestations (justice foncière, pas de rapport avec la haute et basse justice). La concession peut porter sur toutes espèces de biens immobiliers (parcelle ou exploitation entière), dans les villes sont concédées en censives des maisons, appartements, fonds de commerce, biens banaux… Beaucoup de ces contrats (bail à cens) prolongent les manses de l’époque franque. D’autres apparaissent au moment de la généralisation des structures féodales (10ème – 11ème) beaucoup de propriétaires (alleutiers) vont reconnaitre à un seigneur à titre de censive ce qu’ils possédaient jusque-là en pleine propriété. D’autres censives apparaissent dans le cadre du mouvement de défrichement, donc de concession de terres nouvelles (11ème au 14ème siècle).

Le contrat, le bail à cens crée uniquement une obligation réelle, qui est fondée sur la concession de la terre, donc il n’y a pas de création de liens personnels (à la différence du fief) donc pas d’hommage. L’investiture résulte de la mise en possession par le seigneur censier soit par remise d’un acte écrit soit acte symbolique devant témoin (remise d’une motte de terre) 

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Hérédité des censives

Devient courante dès l’époque franque. Lorsque des paysans libres, propriétaires se sont placés sous l’autorité d’un seigneur et qu’ils ont reconnu posséder en tenure une terre dont ils étaient jusque la propriétaire, ils n’ont pas non plus manqué de faire préciser que la tenure était concédée pour eux toute leur vie et pour tous leurs descendants. Idem en cas de concession de terre nouvelle à défricher.

Le souvenir d’un état de droit ancien dans lequel la censive n’était transmise qu’avec le consentement du seigneur censier disparait assez tôt. Au 13ème siècle, l’héritier entre de plein droit en possession de la censive sans avoir besoin de demander au seigneur censier une concession nouvelle, ni payer de droit, d’où un adage « le mort saisit le vif »

Il n’y a pas de règle particulière de dévolution. La censive va au plus proche parent, pas d’ainesse, de masculinité, de garde… 

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L’aliénabilité des censives

Les aliénations deviennent fréquentes dès le 12ème siècle. Les tenures roturières sont aliénables mais des règles protègent les intérêts du seigneur censier. La vente ou la donation d’une censive ne produire d’effet qu’avec l’intervention du seigneur censier. Lorsque le vendeur et l’acquéreur se sont mis d’accord sur le prix, le vendeur se désaisit de la tenure entre les mains du seigneur censier et lui demande d’en investire l’acquéreur ; Dans de nombreuses coutumes, le seigneur censier peut exercer le retrait censuel. Ils remboursent à l’acquéreur la somme qu’il aurait déjà versé. A defaut, il doit prononcer la « mise en saisine » et à cette occasion il perçoit un droit de lods et ventes

A partir du 13ème siècle on voit apparaitre une clause interdisant l’aliénation de la censive au profit de chevaliers, d’ecclésiastiques ou d’institutions ecclésiastiques. En effet, les seigneurs censiers redoutent d’avoir comme tenanciers des nobles ou des ecclésiastiques qui ont des privilèges de juridictions et refusent de se soumettre à l’autorité pour les nobles, et pour les établissements ecclésiastiques l’interdiction d’explique par le fait qu’il s’agit de personnes morales permanentes ne mourant pas et n’aliénant pas. Le seigneur censier perdrait tout espoir de récupérer un jour la tenure et tout espoir aussi de percevoir des droits de mutation. 

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Les obligations des parties

Le cens 

Redevance principale, par le paiement de ce cens, le tenancier reconnait la terre du seigneur censier. Le cens est imprescriptible, ne disparait pas même si a cessé d’être exigé pendant 100 ans car la dépendance de la terre est perpétuelle. Ce cens peut être stipulé en nature et/ou en monnaie. Pour les concessions les plus anciennes, le montant du cens (2, 4 ou 6 deniers) est devenu faible au 13ème siècle par rapport aux revenus procurés par la terre. Lorsqu’il s’agira d’un nouveau preneur, la redevance sera fixée à un montant plus important. 

Les autres redevances

Les contrats énumèrent différentes prestations en nature destinées à la consommation du maitre et de sa famille. Ces prestations correspondent à un type d’économie familiale semi autarcique. Ces prestations ne seront interdites que par une ordonnance de 1945. Le tenancier dans les contrats les plus anciens, doit accomplir des journées de w gratuit au profit du seigneur. A partir des 12ème et 13ème siècles, les corvées seront allégées ou remplacées par des redevances en monnaie ou abolies. 

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Les obligations des parties

Sanctions des obligations

Le seigneur censier les applique de sa propre autorité. A l’origine, le refus par le tenancier de payer les redevances entraine la confiscation de la censive. Mais dans les actes (12ème – 13ème siècle), elle n’est plus prévue que par exception ; la sanction habituelle en cas de défaut de paiement c’est l’amende puis si le tenancier persiste, la saisie temporaire (si terre labourable : saisie des récoltes, si maison : on enlève les portes et les fenêtres), s’il persiste toujours ou s’il disparait, le seigneur peut enfin reprendre définitivement la tenure. Etant donné que les obligations résultant du contrat pèsent sur la tenure et non pas sur le tenancier, le seigneur censier ne peut pas exercer de contrainte personnelle sur le tenancier pour des obligations qui pèsent sur le bien. Le tenancier peut se libérer en déguerpissant : il doit avertir le seigneur, payer les redevances de l’année et peut partir. Ces déguerpissements deviendront fréquents à la guerre de 100 ans (14ème-15ème) car le paiement des redevances devient lourd compte tenu du revenu qu’on peut espérer de la terre. La tenure à champart. Il s’agit d’une nouvelle forme de tenure, qui apparaissent au moment du défrichement des sols, vont aussi se développer lorsqu’une famille qui tenait une terre depuis des années disparait et une nouvelle famille s’y installe. La redevance principale dans ce type de tenure va consister en un versement d’un % de la récolte, le poids de la redevance sera bcp plus lourd que pour les censives. 

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Les tenures serviles

Tenures qui sont exploitées normalement exploitées par des serfs. Tenures qui dérivent souvent des manses serviles de l’époque franque, caractérisées par la lourdeur des charges. Du 10ème au 13ème siècle, la tenure servile est la forme la + courante de possession du sol dans certaines régions. 

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L’alleu

Alleu : à l’époque franque, désigne les biens venus des parents par oppositions aux acquêts. A partir du 9ème 10ème ce terme s’oppose aux bénéfices, donc aux fiefs. Ils désignent la terre venue des ancêtres dont on est pleinement  propriétaires par opposition aux terres concédées par le seigneur (fief ou censive).

L’alleu peut consister en terres d’importance très variable (parcelle à une seigneurie toute entière). Etablissements ecclésiastiques propriétaires de beaucoup de terres en alleu, à la suite de donations faites par les propriétaires (alleutiers) qui ne se sont réservés au moment de la dérogation, aucunes prérogatives féodales. Les alleux ont été longtemps le statut le plus habituel des terres et au 10ème siècle, les alleux sont encore plus nombreux que les fiefs mais la généralisation des structures féodales va aboutir à un renversement de la situation au profit des fiefs ou des tenures roturières. Passé le 11ème siècle, alleux sont devenus rares dans le nord mais encore nombreux dans le sud, et dans l’est du royaume. Ceci dit, les alleux, qui sont une trace du système romain de la propriété sont incompatibles avec les principes de la féodalité. 

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Le système féodal et les alleux

      Les coutumes excluant l’alleu :  Dans de nombreuses régions, prévaut le principe « nulle terre sans seigneur ». Résultat : toute terre est donc considérée comme un fief, ou comme une censive et relève donc du seigneur dans le territoire duquel elle se trouve.

Les coutumes défavorables à l’alleu : « Nul alleu sans terre ». En cas de contestation portant sur le statut de la terre, celui qui prétend que c’est un alleu doit en apporter la preuve en fournissant le titre primitif d’affranchissement ou une charte dans laquelle est expressément reconnue la liberté de la terre. Règle illogique : l’alleu est une propriété par son origine, il est donc quasi impossible de trouver un document attestant de cette liberté. Donc l’application de cette règle aboutit à un recul des alleux dans les régions où elle s’applique (bassin parisien, Normandie…).

Les coutumes favorables à l’alleu: « Nul seigneur sans titre ». En cas de contestation sur le statut de la terre, présomption en faveur du statut d’alleu. C’est à celui qui prétend le contraire d’en apporter la preuve. Dans ces régions, le régime féodal ne s’est qu’imparfaitement établi et le souvenir de la liberté primitive des terres s’est beaucoup mieux conservé. De plus, à partir du 13ème siècle : renaissance du droit romain qui va consolider les résistances contre la progression féodale en revigorant l’idée que la propriété est le régime naturel des terres. 

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Le statut personnel de l’alleutier

Lorsque la catégorie des nobles a pris conscience de son statut particulier au 13ème siècle, un problème s’est posé : les propriétaires d’alleux sont-ils nobles ou roturiers ? Les alleutiers se plaisaient à s’assimiler comme des nobles parce que ce sont des hommes libres vivant sur des terres libres qui n’ont pas de seigneurs. La liberté est une des caractéristiques de la noblesse. En 1315, apparait une distinction entre alleux nobles et alleux roturiers. Les juristes vont préciser ce principe aux 14 ème-15 ème siècles.

A l’issue de cette évolution, sont réputés nobles les « propriétaires d’alleux justiciers ». Résultat : ils vont devoir au roi le service noble (service militaire) 

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Les alleux et la royauté

A partir de la fin du moyen âge, les alleux perdent peu à peu leur autonomie du fait de la reconstitution de la souveraineté royale. Conformément aux principes affirmés dès la fin du 13ème siècle selon lequel « toute justice est tenue du roi en fief ou arrière fief ». Les propriétaires d’alleux justiciers vont désormais devoir admettre que leur justice relève du roi en tant que souverain. Les alleutiers nobles vont devoir le service militaire au roi.

L’aliénabilité se résume à liberté d’aliéner cette terre sans payer le droit de mutation. Au 17ème siècle, dernière offensive pour des raisons fiscales. Les agents du roi vont s’efforcer de supprimer cette « liberté des terres » en faisant reconnaitre que toute terre relève du roi en tant que souverain et seigneur féodal. Dans les régions où les alleux étaient encore nombreux, les réactions vont être vives (querelle du franc alleu) 

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